Si les cybercriminels redoublent d’ingéniosité pour contourner les systèmes de défense, leur cible reste la même : l’humain. Loin d’être uniquement un problème technologique, la cybersécurité dépend aussi de la capacité des collaborateurs à adopter les bons réflexes face aux menaces. Pourtant, notre cerveau, conçu pour des dangers physiques immédiats, peine à appréhender les risques abstraits comme les cyberattaques. C’est ici que les neurosciences offrent un éclairage précieux pour comprendre et réduire les erreurs humaines en cybersécurité.

Le facteur humain au cœur des cyberattaques : entre erreurs et biais cognitifs

Le facteur humain au cœur des cyberattaques 

Malgré l’investissement massif dans des technologies de défense (filtres anti-phishing, pare-feu, solutions de détection avancées), l’erreur humaine demeure un point d’entrée privilégié pour les cybercriminels. Les estimations varient selon les sources : entre 75 % et 95 % des cyberincidents trouvent leur origine dans une faille humaine.

Ce phénomène s’explique par la multiplicité des comportements risqués qui incluent :

Ces biais cognitifs qui nous rendent vulnérables

La vulnérabilité humaine face aux cybermenaces découle en grande partie de plusieurs biais cognitifs. Nos décisions sont influencées par des mécanismes inconscients, ancrés dans le fonctionnement de notre cerveau, qui altèrent notre capacité à évaluer le risque et à prendre des décisions rationnelles. Ces biais conduisent à des comportements risqués qui, s’ils ne sont pas corrigés, peuvent entraîner des failles exploitables par les attaquants :

Neurosciences et erreur humaine : pourquoi notre cerveau nous piège ?

Le fonctionnement intuitif du cerveau face aux cybermenaces

Selon les travaux du psychologue Daniel Kahneman, notre cerveau fonctionne selon deux modes de pensée :

Face aux cybermenaces, c’est principalement le Système 1 qui est activé, car les collaborateurs réagissent sous pression ou par automatisme. Cependant, il n’est pas conçu pour réagir rapidement aux dangers physiques mais inadapté aux risques numériques abstraits et complexes. Cette domination du mode intuitif explique pourquoi, malgré la formation, des collaborateurs peuvent commettre des erreurs simples comme cliquer sur un lien frauduleux.

Les cybercriminels exploitent ce réflexe naturel en concevant des attaques basées sur l’urgence et les émotions. Un e-mail portant l’objet « Votre compte sera suspendu sous 24h » sollicite une réponse rapide, limitant la réflexion et augmentant les chances de réussite de l’attaque.

L’impact des émotions, du stress et de la surcharge cognitive

Outre les biais cognitifs, des facteurs tels que le stress, la surcharge cognitive et les émotions négatives jouent un rôle clé dans les erreurs humaines :

Exemple concret : la surcharge cognitive dans une attaque par phishing

Un salarié reçoit, en pleine journée, un e-mail frauduleux avec pour objet : « Problème de connexion à votre compte – Veuillez vérifier vos identifiants ». L’e-mail est bien conçu : il arbore un logo d’entreprise familier et utilise un ton professionnel. 

Pris par le flux de tâches urgentes, entre deux réunions et sous pression, il ne prend pas le temps d’analyser correctement l’e-mail. Le message évoque un problème urgent et propose un lien à cliquer pour « éviter une interruption de service ». Son cerveau, submergé d’informations et d’injonctions parfois contradictoires, privilégie alors une réponse intuitive et rapide plutôt qu’une vérification approfondie du contenu. 

Le site vers lequel il est redirigé ressemble à s’y méprendre à la page de connexion habituelle de son entreprise. Convaincu de la légitimité de la demande, il saisit ses identifiants. Résultat : les attaquants accèdent à son compte et compromettent le système d’information de l’entreprise. 

Cet exemple illustre comment la surcharge cognitive, combinée à des biais comme l’urgence ou la familiarité, peut pousser un collaborateur à ignorer les vérifications de base et à commettre une erreur lourde de conséquences. 

De l’erreur humaine à la vigilance renforcée : retrouvez le replay de notre webinar : “Cyber Culture : Mission (im)possible ?”

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Comment utiliser les neurosciences pour contrer l’erreur humaine en cybersécurité ?

Instaurer une culture cyber efficace implique d’agir de manière continue sur plusieurs leviers :

Sensibilisation adaptée aux mécanismes cognitifs

Les neurosciences montrent que pour capter l’attention et corriger les biais cognitifs, il est crucial d’adapter les messages aux mécanismes du cerveau humain. Une formation classique, trop dense et théorique, est souvent inefficace, car elle surcharge la mémoire et entraîne un désengagement des collaborateurs.

Il faut privilégier des contenus :

Apprentissage par l’expérience : simulations et cas concrets

Le cerveau apprend mieux par l’expérience directe, ce qui implique de mettre en situation les collaborateurs dans des scénarios réalistes. Les simulations permettent de créer un environnement contrôlé où les employés peuvent se confronter aux cybermenaces :

Ces exercices aident à identifier les réflexes à risque et à ancrer les bons comportements. De plus, en faisant l’expérience d’une erreur sans conséquence réelle, les collaborateurs mémorisent mieux les leçons apprises.

Répétition et renforcement pour ancrer les bons réflexes 

Les biais cognitifs étant profondément ancrés dans le fonctionnement du cerveau, une sensibilisation unique ne suffit pas. Il est nécessaire de :

Lever les obstacles liés aux perceptions culturelles

Dans certains contextes culturels, la gestion des risques est souvent perçue comme une contrainte administrative. Cette attitude, particulièrement répandue en Europe du Sud, peut expliquer pourquoi certaines entreprises tardent à adopter des mesures préventives solides. Cette faible culture du risque est exploitée par les attaquants, qui savent que les organisations concernées prennent rarement des précautions avant de subir une attaque.

Pour contrer cet obstacle, il est crucial de valoriser l’anticipation des menaces en montrant que la cybersécurité n’est pas une dépense superflue, mais une démarche stratégique essentielle. Partager des exemples concrets de menaces évitées grâce à des réflexes de vigilance peut aider à changer les perceptions et inciter les équipes à adopter une posture proactive.

Nos biais cognitifs nous rendent vulnérables aux cyberattaques. Donnez à votre équipe les bons réflexes pour mieux se protéger.

David Boucher

David Boucher

Expert Cybersécurité

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