Si les cybercriminels redoublent d’ingéniosité pour contourner les systèmes de défense, leur cible reste la même : l’humain. Loin d’être uniquement un problème technologique, la cybersécurité dépend aussi de la capacité des collaborateurs à adopter les bons réflexes face aux menaces. Pourtant, notre cerveau, conçu pour des dangers physiques immédiats, peine à appréhender les risques abstraits comme les cyberattaques. C’est ici que les neurosciences offrent un éclairage précieux pour comprendre et réduire les erreurs humaines en cybersécurité.

Le facteur humain au cœur des cyberattaques : entre erreurs et biais cognitifs
Le facteur humain au cœur des cyberattaques
Malgré l’investissement massif dans des technologies de défense (filtres anti-phishing, pare-feu, solutions de détection avancées), l’erreur humaine demeure un point d’entrée privilégié pour les cybercriminels. Les estimations varient selon les sources : entre 75 % et 95 % des cyberincidents trouvent leur origine dans une faille humaine.
Ce phénomène s’explique par la multiplicité des comportements risqués qui incluent :
- Le clic sur des liens malveillants (phishing) qui représentent 74 % des cyberattaques recensées en France en 2023.
- La gestion inadéquate des mots de passe, notamment la réutilisation de mots de passe faciles à deviner.
- Le partage involontaire de données sensibles amplifié par l’usage inapproprié et/ou non contrôlé des appareils mobiles et des applications cloud.
Ces biais cognitifs qui nous rendent vulnérables
La vulnérabilité humaine face aux cybermenaces découle en grande partie de plusieurs biais cognitifs. Nos décisions sont influencées par des mécanismes inconscients, ancrés dans le fonctionnement de notre cerveau, qui altèrent notre capacité à évaluer le risque et à prendre des décisions rationnelles. Ces biais conduisent à des comportements risqués qui, s’ils ne sont pas corrigés, peuvent entraîner des failles exploitables par les attaquants :
- Biais de familiarité : Nous avons tendance à accorder notre confiance à ce qui nous paraît familier (banques, services publics, fournisseurs). Ce sentiment de familiarité pousse souvent à baisser sa garde et à ne pas vérifier l’authenticité des messages, ce que les cybercriminels exploitent en imitant des entités légitimes.
- Optimisme irréaliste : Ce biais reflète la croyance que « cela n’arrive qu’aux autres ». De nombreux collaborateurs sous-estiment les risques de cyberattaques, ce qui favorise des comportements imprudents comme l’absence de vérification des pièces jointes ou le non-respect des consignes de sécurité.
- Biais de disponibilité : Nous évaluons la probabilité d’un risque en fonction des expériences récentes. Si un collaborateur n’a jamais été confronté à une attaque, il percevra le danger comme faible.
- Biais de complaisance : La surestimation de nos compétences nous pousse à croire que nous sommes capables de détecter facilement les menaces. Ce biais peut conduire à une confiance excessive.
- Biais d’autorité : C’est l’inclination à obéir aux figures perçues comme légitimes. Les attaquants se font passer pour des supérieurs hiérarchiques ou des institutions reconnues pour inciter à des actions précipitées, comme le transfert de fonds ou la divulgation d’informations sensibles. On le retrouve notamment dans les arnaques au président.

Neurosciences et erreur humaine : pourquoi notre cerveau nous piège ?
Le fonctionnement intuitif du cerveau face aux cybermenaces
Selon les travaux du psychologue Daniel Kahneman, notre cerveau fonctionne selon deux modes de pensée :
- Système 1 : rapide, automatique et intuitif, il privilégie les réponses immédiates.
- Système 2 : lent et analytique, il mobilise la réflexion consciente.
Face aux cybermenaces, c’est principalement le Système 1 qui est activé, car les collaborateurs réagissent sous pression ou par automatisme. Cependant, il n’est pas conçu pour réagir rapidement aux dangers physiques mais inadapté aux risques numériques abstraits et complexes. Cette domination du mode intuitif explique pourquoi, malgré la formation, des collaborateurs peuvent commettre des erreurs simples comme cliquer sur un lien frauduleux.
Les cybercriminels exploitent ce réflexe naturel en concevant des attaques basées sur l’urgence et les émotions. Un e-mail portant l’objet « Votre compte sera suspendu sous 24h » sollicite une réponse rapide, limitant la réflexion et augmentant les chances de réussite de l’attaque.
L’impact des émotions, du stress et de la surcharge cognitive
Outre les biais cognitifs, des facteurs tels que le stress, la surcharge cognitive et les émotions négatives jouent un rôle clé dans les erreurs humaines :
- Le stress qui affaiblit les capacités d’analyse et pousse vers la décision instinctive et donc risquée. Typiquement, un collaborateur surchargé de travail est ainsi plus susceptible d’ouvrir un e-mail de phishing par automatisme, surtout si l’objet comporte des mentions comme “Urgent”.
- La surcharge cognitive, due au volume croissant d’informations à traiter, qui diminue la vigilance face aux menaces.
- Les émotions négatives (fatigue, frustration) altèrent le discernement, rendant les collaborateurs plus vulnérables notamment aux manipulations sociales.
Exemple concret : la surcharge cognitive dans une attaque par phishing
Un salarié reçoit, en pleine journée, un e-mail frauduleux avec pour objet : « Problème de connexion à votre compte – Veuillez vérifier vos identifiants ». L’e-mail est bien conçu : il arbore un logo d’entreprise familier et utilise un ton professionnel.
Pris par le flux de tâches urgentes, entre deux réunions et sous pression, il ne prend pas le temps d’analyser correctement l’e-mail. Le message évoque un problème urgent et propose un lien à cliquer pour « éviter une interruption de service ». Son cerveau, submergé d’informations et d’injonctions parfois contradictoires, privilégie alors une réponse intuitive et rapide plutôt qu’une vérification approfondie du contenu.
Le site vers lequel il est redirigé ressemble à s’y méprendre à la page de connexion habituelle de son entreprise. Convaincu de la légitimité de la demande, il saisit ses identifiants. Résultat : les attaquants accèdent à son compte et compromettent le système d’information de l’entreprise.
Cet exemple illustre comment la surcharge cognitive, combinée à des biais comme l’urgence ou la familiarité, peut pousser un collaborateur à ignorer les vérifications de base et à commettre une erreur lourde de conséquences.
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Comment utiliser les neurosciences pour contrer l’erreur humaine en cybersécurité ?
Instaurer une culture cyber efficace implique d’agir de manière continue sur plusieurs leviers :
- La sensibilisation progressive : plutôt que de se contenter de formations ponctuelles, il s’agit d’exposer régulièrement les collaborateurs à des messages courts et concrets, adaptés à leur réalité quotidienne.
- Le droit à l’erreur : instaurer un climat de confiance où chacun peut signaler une erreur sans crainte de sanctions. L’objectif est de transformer les incidents en opportunités d’apprentissage collectif. Pour y parvenir, il est crucial de déplacer la réflexion : au lieu de se focaliser sur les risques individuels liés à une erreur, chaque collaborateur doit être incité à se demander quel impact une menace peut avoir sur l’ensemble de l’organisation.
Sensibilisation adaptée aux mécanismes cognitifs
Les neurosciences montrent que pour capter l’attention et corriger les biais cognitifs, il est crucial d’adapter les messages aux mécanismes du cerveau humain. Une formation classique, trop dense et théorique, est souvent inefficace, car elle surcharge la mémoire et entraîne un désengagement des collaborateurs.
Il faut privilégier des contenus :
- Clairs et visuels, qui sollicitent les parties du cerveau responsables de la mémorisation rapide.
- Concis et répétitifs, pour renforcer l’ancrage des messages dans la mémoire à long terme.
- Pertinents et concrets, en illustrant les risques par des exemples issus du quotidien de l’entreprise.
Apprentissage par l’expérience : simulations et cas concrets
Le cerveau apprend mieux par l’expérience directe, ce qui implique de mettre en situation les collaborateurs dans des scénarios réalistes. Les simulations permettent de créer un environnement contrôlé où les employés peuvent se confronter aux cybermenaces :
- Simulations d’e-mails de phishing : envoyer des e-mails frauduleux factices et analyser les réactions des collaborateurs.
- Jeux de rôle : organiser des exercices où les équipes doivent réagir à une situation d’urgence (ex. : tentative d’arnaque au président).
Ces exercices aident à identifier les réflexes à risque et à ancrer les bons comportements. De plus, en faisant l’expérience d’une erreur sans conséquence réelle, les collaborateurs mémorisent mieux les leçons apprises.
Répétition et renforcement pour ancrer les bons réflexes
Les biais cognitifs étant profondément ancrés dans le fonctionnement du cerveau, une sensibilisation unique ne suffit pas. Il est nécessaire de :
- Répéter les messages régulièrement à travers des campagnes internes de prévention, des affichages ou des rappels dans les e-mails.
- Tester périodiquement les collaborateurs à l’aide de simulations pour maintenir leur vigilance.
Lever les obstacles liés aux perceptions culturelles
Dans certains contextes culturels, la gestion des risques est souvent perçue comme une contrainte administrative. Cette attitude, particulièrement répandue en Europe du Sud, peut expliquer pourquoi certaines entreprises tardent à adopter des mesures préventives solides. Cette faible culture du risque est exploitée par les attaquants, qui savent que les organisations concernées prennent rarement des précautions avant de subir une attaque.
Pour contrer cet obstacle, il est crucial de valoriser l’anticipation des menaces en montrant que la cybersécurité n’est pas une dépense superflue, mais une démarche stratégique essentielle. Partager des exemples concrets de menaces évitées grâce à des réflexes de vigilance peut aider à changer les perceptions et inciter les équipes à adopter une posture proactive.
Nos biais cognitifs nous rendent vulnérables aux cyberattaques. Donnez à votre équipe les bons réflexes pour mieux se protéger.
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