Depuis le 17 janvier 2025, les exigences du règlement DORA s’appliquent pleinement aux acteurs du secteur financier. Tester la résilience des systèmes critiques n’est plus une anticipation à prévoir, mais une obligation à démontrer.  

La difficulté ne réside pas dans la compréhension du texte réglementaire, mais dans sa traduction opérationnelle : quels tests engager ? à quel rythme ? avec quels critères de priorité ? comment prouver la conformité sans surproduire ? 

Entre cadre réglementaire exigeant et ressources limitées, les marges de manœuvre sont souvent étroites. C’est là que se joue la crédibilité d’une démarche. 

Homme qui so'ccupe d'un serveur en regardant un ordinateur

Quels tests de résilience impose DORA, et à qui s’adressent-ils ?

Entré en vigueur le 17 janvier 2025, le règlement européen DORA oblige les entités financières à tester régulièrement la robustesse de leurs systèmes critiques. Cette exigence ne concerne pas uniquement les grandes banques : les mutuelles, y compris les plus petites structures, sont également concernées. Le texte adopte une approche différenciée, fondée sur le principe de proportionnalité (articles 10 à 26). Elles doivent structurer une réponse réaliste malgré des moyens souvent limités

DORA distingue plusieurs types de tests, chacun répondant à un objectif précis de résilience opérationnelle : 

  • Tests de continuité et de reprise d’activité (PCA/PRA) : ils visent à vérifier la capacité d’une organisation à maintenir ou à rétablir ses fonctions critiques en cas de perturbation (ex. : panne majeure, sinistre, cyberattaque). 
  • Tests techniques de sécurité : ils incluent des scans de vulnérabilités, des tests d’intrusion (pentests) manuels ou automatisés, un levier clé de résilience pour les mutuelles soumises à DORA. Leur but : identifier les failles exploitables dans les systèmes d’information critiques. 
  • TLPT (Threat-Led Penetration Testing) : simulations de cyberattaques ciblées, menées par des experts externes suivant un cadre structuré (ex. : TIBER-EU). Obligatoires pour les entités présentant un profil de risque élevé. 
  • Exercices organisationnels (tabletop) : mises en situation simulées pour tester la coordination des équipes internes (DSI, métiers, conformité) en cas de crise. 

Le contenu, la fréquence et le périmètre de ces tests doivent être proportionnés à la taille, à la complexité et au profil de risque de l’organisation. Même une structure modeste doit être en mesure, en cas d’audit, de prouver l’existence d’un programme structuré et pertinent

Construire un programme de tests efficace (et tenable)

Concevoir un programme de tests de résilience conforme à DORA ne signifie pas empiler des obligations techniques. Pour une structure de taille moyenne, votre enjeu est de bâtir un dispositif réaliste, soutenable dans le temps, mais crédible en cas d’audit. Quatre étapes sont essentielles : identifier les priorités, choisir les tests pertinents, définir les responsabilités et assurer une traçabilité rigoureuse.

Identifier les actifs critiques et les scénarios à tester

Avant de tester, encore faut-il savoir quoi tester. Cela suppose une cartographie claire de vos systèmes, processus et données critiques. La méthode la plus utilisée est le Business Impact Analysis (BIA), qui croise deux dimensions : 

  • l’impact métier en cas d’interruption, 
  • la probabilité que celle-ci se produise. 

L’analyse peut s’appuyer sur : 

  • des entretiens croisés avec les responsables IT et métiers, 
  • l’analyse des incidents passés, 
  • une matrice risque/impact pour hiérarchiser les priorités. 

DORA attend que les tests portent sur les systèmes considérés comme critiques pour la continuité d’activité. Cela inclut, selon les cas : 

  • une application de gestion des adhésions, 
  • un SI de paiement ou d’indemnisation, 
  • un service hébergé dans le cloud externe. 

Ces choix doivent être mis en relation directe avec les menaces identifiées lors de l’analyse de risque. En pratique, les scénarios de test doivent intégrer les menaces plausibles auxquelles ces actifs sont exposés. Il est donc essentiel de bâtir des scénarios concrets et réalistes (panne serveur, corruption de données, interruption chez un prestataire cloud, attaque par rançongiciel) à partir des résultats de votre Business Impact Analysis et de votre cartographie des risques

Ces scénarios permettent à la fois de tester la résilience effective de l’organisation, de clarifier les responsabilités en cas de crise, et de produire des rapports exploitables lors des audits.

Choisir les bons tests pour vos moyens

Le règlement DORA repose sur une logique de proportionnalité : il n’existe pas de programme unique, mais une combinaison d’actions à adapter selon vos ressources et votre exposition aux risques

Type de test Objectif Fréquence recommandée 
PCA/PRA Continuité/reprise 1 fois/an minimum 
Scan de vulnérabilité Identifier failles techniques Mensuel ou trimestriel 
Pentest manuel Évaluer la résistance ciblée 1 fois/an 
Tabletop Simuler une crise organisationnelle 1 fois/an ou bi-annuel 
TLPT (TIBER-EU) Simuler une attaque ciblée réaliste Tous les 3 ans (si applicable) 

Exemple : une mutuelle de taille moyenne peut construire un cycle annuel réaliste : 

  • T1 : Test de continuité d’activité incluant une bascule sur site de secours afin de valider la résilience des systèmes et la continuité des opérations métiers. 
  • T2 : pentest externe sur une application critique, 
  • T3 : tabletop de gestion de crise avec la direction, 
  • T4 : test de restauration de sauvegarde. 

Ce calendrier étalé évite l’effet tunnel et permet une capitalisation continue

Chaque choix doit être justifié. Par exemple, l’absence de TLPT peut être justifiée par une exposition limitée aux services critiques interbancaires, une analyse de risque ICT jugée non prioritaire, ou encore par des résultats satisfaisants lors d’un test de intrusion récent. 

Définir une gouvernance claire : qui fait quoi ? 

Un bon programme de tests repose autant sur la méthodologie que sur l’organisation des rôles

  • Le DSI pilote le volet technique : il coordonne les prestataires éventuels, planifie les interventions, centralise les résultats. 
  • Le RSSI supervise les tests de sécurité : scans, pentests, TLPT. 
  • Le responsable continuité organise les PCA/PRA et les exercices organisationnels. 
  • La conformité vérifie la traçabilité, challenge les résultats et prépare les audits. 
  • La direction est impliquée dans la validation annuelle du programme et la restitution des résultats clés (exigence formelle DORA). 

Les tests doivent aussi intégrer les prestataires critiques : hébergeur, infogéreur, fournisseur SaaS. Cela suppose de prévoir, dans les contrats, des clauses de participation aux tests et de partage des résultats. 

Audit DORA : que faut-il vraiment montrer ? 

En cas de contrôle ou d’audit, ce ne sont pas les intentions qui comptent, mais la capacité à prouver, de façon concrète, l’existence et le suivi d’un programme de tests de résilience cohérent
DORA n’impose pas de format unique, mais les auditeurs attendent des éléments structurés, traçables et adaptés au niveau d’exposition. Chaque action doit pouvoir être reliée à un scénario, un actif critique et une exigence réglementaire. C’est ce lien logique qui démontre la rigueur et la pertinence de votre démarche. L’enjeu n’est donc pas la quantité de documents produits, mais leur clarté et leur capacité à justifier vos choix

 En cas de contrôle, les éléments suivants sont généralement attendus : 

1. Un programme de tests formalisé et validé 

Le point de départ, c’est un plan annuel ou pluriannuel de tests, signé par la direction. Ce plan est la première preuve de gouvernance attendue. Il montre que les décisions sont documentées, assumées, et alignées avec le principe de proportionnalité.  Ce document doit préciser : les objectifs, les périmètres (actifs, processus, SI critiques), la fréquence et la répartition des tests sur l’année, les acteurs impliqués (internes et prestataires). 

2. Des comptes rendus complets pour chaque exercice 

Pour chaque test réalisé (PRA, pentest, tabletop, TLPT…), vous devez être en mesure de fournir un rapport clair.  L’absence d’un rapport exploitable (ou l’usage de modèles vides) est un signal négatif fréquent en audit.  Ce rapport doit intégrer :  le scénario testé, la méthodologie utilisée, les résultats obtenus, les écarts identifiés, les actions correctives prévues ou engagées, les dates de revue ou de retest. 

3. Un registre des vulnérabilités et un suivi effectif 

Pour chaque vulnérabilité identifiée, vous devez disposer d’un registre structuré, régulièrement mis à jour.  Ce registre est un indicateur-clé de pilotage de la sécurité. S’il est inexistant ou non mis à jour, l’audit risque de basculer en profondeur.  Ce registre doit inclure : la date de détection, le niveau de criticité, le système ou l’actif concerné, le responsable du traitement, la date de correction ou le statut de résolution, les éléments de vérification associés.  

4. Des indicateurs synthétiques pour piloter 

Des tableaux de bord simples mais réguliers sont attendus pour assurer un suivi efficace du programme de tests.  Ils permettent à la direction, comme aux auditeurs, d’avoir une vision claire de la progression, des zones de fragilité, et de l’engagement des parties prenantes. Ce tableau de bord doit idéalement inclure : le nombre de tests réalisés, le taux de couverture des fonctions critiques, les délais moyens de correction, la fréquence des retests, le niveau de participation des prestataires externes. 

5. Des outils simples mais crédibles 

Sans être obligatoires, certains supports outillent efficacement votre démarche et témoignent de sa structuration.  Leur usage renforce la lisibilité des actions menées et reflète un niveau de maturité apprécié lors des audits.  Parmi les outils utiles : des modèles de plan de test (format Excel ou Word), des canevas de rapport standardisés, des matrices de suivi des vulnérabilités, des checklists alignées sur les référentiels ENISA ou ISO 22301.  

Outils, modèles, ressources : le kit de survie du test de résilience 

Une stratégie de tests efficace repose autant sur l’organisation que sur le recours à des outils simples et bien choisis. Sans complexifier vos pratiques, certains supports peuvent vous aider à planifier, exécuter et tracer vos tests conformément aux exigences DORA. Il peut être utile, à ce stade, de s’appuyer sur des ressources ou services spécialisés en cybersécurité, pour structurer vos démarches sans surcharger vos équipes. 

Outils pratiques (open source ou légers)

Pour piloter un programme de tests sans infrastructure lourde, plusieurs solutions simples peuvent suffire. Les plus fréquemment utilisées dans les structures de taille moyenne sont : 

  • Des tableurs structurés (Excel, LibreOffice) pour tracer les tests, suivre les vulnérabilités, et documenter les écarts
  • Des modèles de plan de test (Word ou Markdown) pour définir les objectifs, périmètres et résultats attendus
  • Des checklists adaptées à votre contexte (ex. : PRA, pentest, tabletop), inspirées des guides ENISA
  • Des outils de suivi des vulnérabilités, comme Faraday (open source) ou un module intégré à un outil de ticketing
  • Des environnements de simulation ou de test local pour valider des procédures de bascule ou de restauration

 L’important n’est pas le nombre d’outils, mais leur bon usage pour tracer les actions menées et répondre à un audit

Référentiels & standards utiles 

Certains cadres méthodologiques sont cités dans DORA ou recommandés par les autorités de supervision. Ils peuvent servir de référence pour construire vos propres procédures : 

  • ISO 22301 : norme de gestion de la continuité d’activité
  • ISO 27031 : centrée sur la continuité des services informatiques
  • TIBER-EU : cadre européen pour les TLPT (tests d’intrusion avancés), avec une méthodologie complète
  • ENISA : propose des trames d’exercices, canevas de comptes rendus, et guides pratiques sur la cybersécurité

Ces référentiels n’ont pas à être appliqués intégralement, mais ils constituent une base utile pour appuyer vos choix méthodologiques

Externalisation : dans quels cas et avec quelles précautions ?

Certaines phases de test peuvent nécessiter un appui externe, notamment : 

  • les tests d’intrusion avancés
  • les TLPT (type TIBER-EU)
  • ou les exercices de crise complexes impliquant plusieurs prestataires

Dans ces cas, vous pouvez recourir à un prestataire spécialisé, à condition d’encadrer son intervention avec rigueur

  • vérifier ses qualifications (certifications, expérience dans le secteur financier, indépendance) ; 
  • formaliser les clauses contractuelles : périmètre, confidentialité, propriété des livrables, reporting
  • désigner un référent interne pour assurer le suivi de l’intervention. 

Même externalisé, un test reste sous votre responsabilité
C’est à vous d’en produire le compte rendu et d’assurer le suivi des suites données

L’externalisation peut renforcer votre dispositif, mais n’exonère pas l’organisation de son rôle de pilotage et de conformité 

Approfondir la mise en oeuvre de votre programme de tests

Concevoir un programme de tests de résilience conforme à DORA mobilise des compétences multiples : gestion des risques, scénarisation, coordination entre équipes, suivi technique, documentation. Certaines étapes peuvent soulever des questions d’arbitrage, notamment lorsqu’il faut adapter le dispositif aux spécificités du secteur assurance ou orchestrer des tests avec des prestataires externes. 

Dans ce cadre, Hardis Group accompagne les mutuelles, organismes financiers et assureurs dans la mise en œuvre concrète de DORA

 
Nos consultants allient une connaissance fine des métiers de l’assurance à une expertise opérationnelle en cybersécurité, avec une approche orientée résilience et maîtrise des risques

Un échange exploratoire permet d’identifier rapidement les bons leviers d’action, en fonction de votre contexte. 
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RGPD(Nécessaire)
David Boucher

David Boucher

Expert Cybersécurité

Céline Brobandgaillard

Céline Brobandgaillard

Consultante Manager - Assurance & Services Financiers

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